Pontoise-Aldernay

Remonter Sperry-1 Sperry-2 Sperry-3 Pontoise-Aldernay Chatenet Le Touquet 2013 Qualification I.R. Chatenet VFR Spécial JP Chatenet vol Chatillon Chatenet Deauville Fécamp 2011 JP Chatenet Mortagne Ph SCIALOM Vol Deauville 2010 Ph SCIALOM Vol Le Touquet 2012 A. DENIS Montbéliard Mouche au plafond LE FOYER MEMENTO

VICTOR BRAVO  pour le vol trans-maritime* le plus court du monde 
Cap de La Hague –Alderney en C172-RG

18 juin 1993 Météo-France annonce Pontoise, Cherbourg et les îles Anglo-Normandes simultanément hors des nuages : une image satellite pas trop moche, un front occlus épouse la forme du Sud de l'Angleterre pendant qu'un anticyclone gonfle par le Sud de la France. Notre front devrait se décaler vers l'Est et rester cantonné au Nord du Channel. Un voyage dans ce coin commence toujours par un intermède Météo... Il y a un créneau possible : rendez-vous au terrain ! Les cartes Aérofax de 8h15 UTC donnent quand même EGJJ (Jersey) 0716 22014KT 9999 3ST008 4SC030 TEMPO 0710 7000 10BR 6ST004. Une visi > 10KM et TEMPO bruine avec 7 Km de visibilité là-bas c'est plus que du beau temps ! Pariant sur le Cumulification (!!!) de tout ce qui est "Strato" nous estimons nos chances de passer .
Décision : on part ... et on fera le point à Cherbourg.

Décollage de Pontoise à 12H30 après avoir récupéré Denis, un élève du club heureux de sortir du tour de piste et de faire une NAV grandeur nature. Transit d'Evreux en se présentant au nouveau point de report "BAMES" (les contrôleurs adorent...,  ça montre au premier message qu'on a des cartes à jour et qu'on sait s'adapter au changement), ne pas oublier "Transpondeur-sur-Stand-By" [à l’époque !] moyennant quoi Evreux se montre comme toujours très coopératif. Sortie Beaumont-le-Roger , 3 minutes de répit avant de contacter Deauville "Travers Bernay". VB va bien ! (pardi !) Pratiquement 120Kt indiqués à 23/23 d'admission/compte-tours : le moteur ronronne avec régularité, à part le Pilote-Automatique tout ce qu'il y a à bord est mis en service : le seul élément que nous n'avons pas fait fonctionner au décollage (le son des markers de l'ILS), tant pis nous nous rattraperons sur l'ILS de Cherbourg.

Nous contactons  Deauville Approche, et leur décochons l'estimée de CAEN dès le premier contact : on nous colle donc une paix royale (même pas besoin de rappeler dans le 180° de DVL , ni travers Lisieux c'est presque frustrant tellement c'est simple!), nous devrons simplement nous manifester 5 minutes avant la balise de Caen. Il fait beau, comme prévu ça cumulifie mais pas très haut  il faudra rester vers 2500 pieds,  dommage pour les économies d'essence. Réalisant que la mixture reste la seule manette  inutilisée depuis le début du vol, nous essayons prudemment de "de-mixturer" : le peu de garde qui reste à la commande des gaz après le retour du régime normal nous met d'accord avec le Manuel de Vol : en dessous de 3000 pieds c'est pas trop la peine !

Tout va trop bien : nous sommes sur l'axe, le VOR n° 2 nous décline des QDR en augmentation sur DVL à droite, nous accrochons CAN 115.4 sur le VOR n° 1, CNE 404 sur le Radio-Compas et la ville de Caen apparaît déjà dans le lointain.  Nous avons beau scruter les instruments de gauche à droite, de haut en bas et retour : que du vert partout!... dans 7 minutes nous passerons CAN. Sur la fréquence de Deauville  ça ne parle qu'anglais : un vrai débarquement!

            -"Deauville F-VB à 5 minutes de CAN"
            -...
            -"Deauville F-VB à 5 minutes de CAN"
            -...
et patatras rien ne va plus : bataille rangée avec la boite de mixage, COM1/COM2,... on perd tout, ça revient, puis ça repart... mauvais contact manifeste sur la VHF n° 1
             -"Deauville F-VB sur VHF-2 comment me recevez-vous ?
             -"F-VB Deauville : 5"
             -"F-VB suite à problème radio (on ne veut pas qu'il croie que nous dormions...) nous sommes maintenant à 3 minutes de CAN et en vue des installations"
             -"F-VB reçu rappelez verticale CAN"
Ouf! Ca remarche... nous nous interdisons une nouvelle bataille rangée avec les switches tout en se promettant de bichonner la VHF2 : pas question d'aborder la "TRANSAT" Cherbourg-Alderney avec le moindre risque radio.
Verticale CAN nous rappelons Deauville "pour quitter" et passons en écoute sur Brest-Info 122.80, délicatement, toujours sur la VHF n°2, puis cap 302° vers Valognes, point d'entrée obligatoire au cas (fréquent !) où Cherbourg ne soit accessible qu'en VFR-SPECIAL..., par ailleurs ce choix minimise le survol de l'eau par rapport à une prise de cap direct sur MP 373 de Cherbourg.

            Travers Bayeux, comme d'habitude ça se gâte , il faut descendre en dessous de 1500 pieds. Avec délicatesse on affiche 127.30 Cherbourg sur la VHF-1 : l'écoute alternative de Brest-Info et de Cherbourg nous met du baume au coeur. Cherbourg n'est même pas en "VFR Spécial" ... pourtant travers Carentan on est sur l'eau à un tout petit 800-pieds un peu au large pour éviter la réserve naturelle. Bien sûr nous gardons un oeil sur le rivage qui reste pratiquement accessible. Aussi vite que possible nous re-passons sur la terre ferme et ça s'améliore : 1200 pieds puis 1500 en vue de Valognes. La VHF-1 daigne nous passer Cherbourg sans rechigner et on nous donne "numéro UN pour une base gauche sur la piste 29 avec un vent du 240 pour 15 Kt avec rafales à 20 Kt : il fait "beau" à Cherbourg... d'ailleurs à 4 nautiques (déclarés par le DME activé sur la fréquence du TACAN CBG 112.50) on voit "déjà" la piste!!

Virage main gauche et nous nous retrouvons train-volets sortis, alignés sur une piste large et interminable (2440 m). Absorbés par la contemplation du site, nous laissons VB descendre tout seul en crabe, dérive affichée sur l'aiguille du radio-compas pointant derrière nous vers MP...
Tii - tuut, ti-tuut .... : nous passons le Middle Marker de l'ILS !  Nous avions profité de la bagarre avec la boite de mixage pour positionner le bouton MKR sur ON et ... nous l'avions complètement oublié : ça marche ! Sans qu'on s'en soit vraiment occupé outre mesure, les aiguilles de l'ILS (109.90) sont quasiment dans le rond : d'ordinaire quand on s'applique elle ont tendance à préférer ...les coins! Nonobstant la page 218 du Manuel de Pilote Privé (5e édition) stipulant que "dans le cas d'un avion tri-cycle AVANT, celui-ci, au moment du toucher de l'atterrisseur principal revient de lui même dans l'axe de la piste et le maintient naturellement...", nous décrabons, à l'arrondi, manche côté vent pied contraire, cadence nulle (il paraît que ça ne se dit plus !). VB, qui est aussi de  "l'ancienne génération", caresse la piste de la roue gauche, puis de la droite, bien "peinard" le train dans l'axe d'entrée de jeu (des fois qu'il ne soit pas au courant "qu'un atterrisseur principal"... puisse être supposé "revenir de lui-même dans l'axe"... On n'usera pas les freins : il reste au bas mot 2 Km de piste. Une idée folle me traverse l'esprit : et si on avait une panne moteur MAINTENANT ! Sachant qu'on a la béquille dans le coffre, que la piste a tendance à monter, et qu'il n'y a pas de taxiway : combien de temps faut-il à un équipage de 3 personnes pour tirer un C172-RG sur 2km ? Prière d'envoyer les réponses avant le 01/04/94 minuit, le cachet de la poste faisant foi!

Bon "Nounours", VB n'a pas le mauvais goût de nous faire une telle plaisanterie  et nous conduit jusqu'au parking au pas tranquille de ses 182 CV.
-"Fox-Victor Bravo stand numéro 3, entre l'ATR42 et le BEECH"... Nous identifions facilement  de loin l'objectif mais au fur et à mesure que nous avançons, les traits jaunes de guidage au sol se multiplient et ... le coin prend progressivement l'allure d'une gare de triage c'est sans doute pourquoi on parle "d'AéroGARE" et que les contrôleurs aériens
se nomment "Aiguilleurs de Ciel". Enfin l'aiguille numéro 3 : le train express  Pontoise-Cherbourg entre en gare!!!

Pas de temps à perdre pendant l'escale : douane, taxe d'atterrissage (F49,99 très exactement comme il n'y a plus de pièces de 1 centime vous pouvez  entamer une intéressante négociation afin de payer exactement votre dû ), visite au local Météo au pied de la tour, décision et éventuellement Plan de Vol... ou retour à la base. Pas question de déjeuner: nous avons promis de ramener l'avion pas trop tard. A la douane : personne !  Par contre la préposée aux taxes est bien là : le monde est mal fait !!!! Du coup , nous avons le temps de prendre un jus (c'est là qu'on a commencé à déraper dans l'horaire). Nous cavalons à la tour prendre la dernière Météo : il faudra en tout 45 minutes de patience face au Minitel puis au téléphone (réseau saturé) et devant la console d'ordinateur avant de sortir enfin dotés du récépissé de plan de vol (international!).
Nous passons à nouveau devant VB : il fait jouet de vitrine pratiquement "sous" l'ATR42 dont l'aile dépasse généreusement sur notre stand. S'il était pommier : le code Napoléon nous donnerait droit à la récolte des pommes qui tomberaient sur Victor Bravo, on pourrait même exiger de faire couper la partie de la branche qui dépasse !!!

            Sans nous hâter (il faut 30 minutes minimum pour activer le plan de vol), nous retournons dans l'aéroGARE où cette fois la Douane est ouverte. Nous y sommes bien accueillis, notre passager Denis dont la validité de carte d'identité vient d'expirer  se fait réglementairement rappeler à l'ordre avec courtoisie mais à aucun moment il n'a été question de priver notre ami de la traversée. Nous nous dirigeons sans précipitation vers VB, que nous gratifions d'une visite pré-vol à hauteur de nos ambitions internationales (12 nautiques au-dessus de l'eau...) sans oublier de grimper sur les haubans et de passer le doigt à travers l'orifice de remplissage d'essence : ça mouille, des 2 côtés, relativement près de la collerette, donc tout à fait compatible avec les jauges électriques qu'on ne doit jamais croire aveuglément et aussi avec les 90 minutes de vol écoulées. Donc pas de fuite ni de consommation anormale.  Quant à la radio : on ne touche plus à rien tant que ça marche!

            Les trente minutes nécessaires à l'activation du plan de vol s'écoulent plus vite  au fur et à mesure que l'échéance approche : dès qu'on aura franchi les limites de la TMA de Cherbourg on est livré aux Anglais, avec leur fichue langue que nous comprenons si bien partout dans le monde sauf quand elle est parlée par un Anglais. En fait j'ai plutôt la "pétoche": furtivement comme au collège je sors mon antisèche : décourageant il y en a deux pages ! En moins de dix minutes on se farcit 3 contrôleurs aériens aussi British les uns que les autres. Qu'est-ce qu'on est venu fiche ici, d'abord il ne fait même pas beau : moins de 15° sur l'île alors qu'il fait dans les 25° à Pontoise en ce moment.

            Quand on est pilote, même un petit..., on est trop près du ciel pour pouvoir se passer d'un ange gardien : c'est juste le moment que choisit le mien pour enfin se manifester. Jusque là il est resté bien discret, avec un brin de mauvaise foi j'oserai dire qu'il m'a bien aidé à finir de mettre la panique dans le boîtier de mixage radio ... un peu avant Caen. On a fait un quatre mains fantastique : en quelques secondes  on s'est payé toutes les octaves en clic majeur. A mon avis nous avons dérouillé tous les contacts , même ceux qui ne servent pas souvent ; à preuve : tout marche maintenant!  Avant d'aller  plus loin quelques mots sur mon compagnon "ailé" : il a fait ses débuts sur T6  aux Etats-Unis durant la dernière guerre, beaucoup plus tard il a été chef d'escale de le Panam à Orly, très récemment plusieurs stages aéronautiques et une qualification IFR aux Etats-Unis ne lui laissent plus guère de problèmes avec la langue de Shakespeare appliquée à l'aviation..

            C'est en Français pour l'instant que nous prenons contact avec la tour de Cherbourg, dès la première minute de validité de notre plan de vol.
          - "F-GCVB prêt pour le roulage"
          - "F-VB roulez point d'arrêt 29. Rappelez prêt!"

Un départ avec plan de vol c'est presque décevant tellement c'est court : on n'a même pas à dire où l'on va ! Action vitales réalisées au point d'attente situé aux 2/3 de la piste, nous nous annonçons "Prêts" en demandant un "back-track" de 200/300 m... histoire de montrer qu'on fait ça sérieusement... Une voix nasillarde et un peu lointaine nous accorde un virage à droite après décollage, en direction du Cap Levy . Sur la fréquence d'autres dialogues anormalement lointains s'acheminent jusqu'à mes oreilles ... et patatras : je réalise avec stupeur que c'est le son du haut-parleur de l'avion qui me parvient atténué en fait par mon casque désormais inutile puisqu'un examen ultérieur plus approfondi m'apprendra ...qu'il vient de rendre l'âme.
           - "F-VB Verticale Cap Lévy établi 2000 pieds Cap 002°
Un malheur n'arrivant jamais seul on nous répond :
            - "F-VB poursuivez et rappelez à 7 NM de CBG

A dire vrai, je n'avais pas envisagé d'aller aussi loin au dessus de l'eau! Inutile de tripoter toutes les formules de finesse-max ... même en rajoutant l'âge du Capitaine : au moindre problème moteur ce n'est pas vers le rivage qu'il faut essayer de revenir mais vers le bateau le plus proche. Au moins nous ne risquons pas d'écorner la fichue zone P81! Un coup d'oeil au DME qui par bonheur équipe VB, encore 2,9 Nautiques et quoiqu'il arrive on mettra le cap vers l'Ouest. Pendant la minute et demie qui nous sépare de notre point de compte-rendu je triture tous les points de contacts ou de connexion de mon casque : silence radio ! Il y a presque trente ans qu'on vole ensemble : lorsque j'ai commencé sur NC854 j'avais bricolé un interphone Moniteur-Elève : laryngophone côté moniteur, un boîtier avec pile de 9V au milieu et mon casque côté-élève. Ca marchait du tonnerre! C'est un de ces casques militaires de l'époque de la dernière guerre  (vous savez : celui qu'on voit aux oreilles de St-Exupéry sur cette photo diffusée par le Ministère de l'Air dans tous les aéroclubs autour des années 50)...
6,5 Nautiques au DME ...avec frénésie je défais et refais, tire pousse, tire-bouchonne toute la filasse : rien n'y fait!
6,8 Nautiques : "Cherbourg on arrive à 7 Nautiques de CBG " (sous-entendu je n'ai pas l'intention de faire du "rabe").
-"F-VB vous pouvez quitter et contacter dès maintenant Jersey-Zone 125.20"

Je reçois la sentence en plein estomac, expédie sur les ondes la copie conforme de mon arrêt de mort "pour quitter". Les mains moites sur le manche je suis tout-à-coup "liftier" dans une mauvais remake dans le genre "ascenseur pour l'échafaud". La gorge sèche je me surprends à afficher 125.20 avec résignation..

            -"Jean-Pierre : vous voulez mon casque ?!"

Il est exact que sans casque je n'ai aucune chance : avec le seul haut-parleur passe encore en tour de piste et en français... Pas question de se retrouver à deux dans l'incertitude des messages : la logique impose de jouer tout sur le "maillon" le plus fort et mine de rien ça m'arrange un peu :

            - Négatif j'essaye le premier contact et vous assurez le "back-up"

Il est formidable de compréhension Jean, même pour jouer il n'insiste pas, de toutes façons c'est la bonne décision.

            - "Jersey Zone this is F-GCVB Good Day"...

Un épouvantable borborygme, dans lequel je crois avoir vaguement reconnu "Victor-Bravo", semble m'avoir répondu! J'interroge mon voisin de droite du regard : d'un moulinet de la main il me fait signe de "balancer le potage". Tout en mettant VB en descente parce que dehors ça se gâte, on mouille le pare-brise...

            -"F-GCVB a C172-RG outbound Cherbourg for Alderney, VFR plan, estimate Cap-de-La-Hague (à la française) at 15, currently at 1500 Ft QNH 1017, REQUEST CLEARANCE."

Et toc ! J'aurai fait au moins ça!  L'important n'est-ce pas " c'est de participer..." Quand je pense que d'aucuns disent que l'aviation n'est pas vraiment du sport.

Côté Anglais mon petit compliment à l'air de faire de l'effet : une sorte de bookmaker semble vouloir nous donner un tuyau confidentiel pour le Derby d'Epsom : il s'y reprend à deux fois et on dirait qu'il est fortement question du 64 et du 60. Dans le doute j'attrape la queue du serpent à sonnettes marqué "Telex" entre le pouce et l'index et tend la bête à mon co-équipier : je viens d'apercevoir par dessus son épaule le quarté gagnant déjà inscrit sur son bloc de navigation. Sans rechigner, un peu moqueur, il finit de régler le deal avec le bookmaker et affiche 6064 au transpondeur : j'ai failli le toucher, je l'avais aussi mais dans le désordre!

            Nous avons manifestement passé la zone P81, la visi baisse régulièrement et nous décidons d'obliquer franchement vers la côte. Dans la brouillasse la terre arrive beaucoup plus vite que prévu et puis soudain un phare, une petite anse nous sommes à "Sidi-El-Etche" (C.D.L.H. prononcé à l'anglaise pour Cap De La Hague). C'est le piège classique réservé aux Français : "Report Sidi El Etche one thousand feet..." pour être bien sûr de barboter dans l'eau froide en cas de faiblesse du moteur. Allez Durand, Dupond ou Dubois : cherche donc Sidi-El-Etche sur ta carte au 1/1 000 000e : ça n'y est pas!  Encore moins sur la carte au 1/500 000e, avez-vous essayé l'almanach des PTT ? Welcome Frenchie : Cherche !

Pendant que Jean nous reporte "CDLH" aux actualités régionales de Jersey Zone, je m'impose quelques minutes de réchauffage carbu au milieu de cette humidité ambiante et fais un rapide mais soigneux tour des instruments : "Cauchon" d'Anglais je ne te laisserai aucune chance de venir me repêcher et d'avoir à te dire merci les chaussettes mouillées ...

Ne trouvant rien à redire à tout ça  Jersey Zone nous libère et nous balance sur Guernesey Approach 128.65. Nouveau conciliabule pas bien compréhensible sans casque, il est question de se reporter "Alderney on-sight" et surtout "Not above 1000 feet " afin d'être sûr qu'on aille bien au bouillon à la moindre occasion. L'aiguille du Radio-Compas a reniflé ALD 383  depuis bien avant le Cap de La Hague : le vent a du forcir en mer car nous nous retrouvons bien à droite de la trajectoire.
           -"Guernesey Approach F-VB Alderney in sight"  Je me remonte le moral en me disant que ça j'aurai pu le dire tout seul, mais pas question de réclamer le micro : Jean est fichu de me le coller dans les pattes jusqu'au bout!
          -"F-VB Contact Alderney Tower 125.35  Bye"
          -"F-VB Alderney 125.35 Bye"
On ne risque pas de laisser rouiller les boutons : clic-clic 125.35...
"Salamalec Alecoum Salam" Alderney Good Day , et on nous demande de nous reporter en longue finale 26. Il fait tellement sombre qu'on ne voit pas le terrain. Plus on descend, plus ça secoue, la tour nous passe un vent du 290° avec des rafales à 20/25 Kt. C'est à croire qu'on N'a QUE les rafales : 400 pieds sol, piste en vue, un peu à droite, balisage allumé (en plein milieu de l'après midi au seuil de l'été...). On a l'impression de faire du vol d'onde à La Montagne Noire : en fait il nous faut percer une couche turbulente créée par les 90 mètres de falaise à pic qui bordent le terrain. Vers 150 pieds on passe dessous et ça devient une approche banale par vent de travers sur une piste étroite (23 m) et moyennement courte (830 m). Manche à gauche presque à la verticale et pied bien loin à droite, nous ne pouvons éviter un petit rebond sur la roue basse : VB se pose. On laisse rouler jusqu'à la moitié pour laisser le vent nous ralentir et puis on y va franchement sur la fin... par respect pour les 90 mètres de falaise et les cailloux qui attendent au-delà de la piste. Demi-tour sur la raquette, et la tour nous assigne un parking sur l'herbe , un GoodBye sur la fréquence, on arrête tout et enfin nous foulons le gazon prétendu Anglais d'Origny.  Il reste à accomplir les formalités d'arrivée :
          -taxe d'atterrissage (10 Livres)
          -fiche d'arrivée, une par personne
          -contrôle des papiers de l'avion (on a bien l'attestation d'assurance au tiers pour une valeur supérieure à 500 000 Livres)
          -un coup de tampon-souvenir sur mon carnet de vol afin d'éterniser ce premier vol "International".
Reste encore la douane : un couple de douaniers s'est déplacé depuis le petit village voisin pour nous faire confirmer "Nothing to declare". Dans la langue de Victor Hugo, je me prends à penser "Rien à déclarer ... sinon qu'on se tire d'ici aussi vite que possible!" Jugez plutôt :
           - ciel menaçant, plafond soudé à moins de 2500 pieds
           - 14° C
           - un vent continu, frisquet et humide
           - et puis il est déjà tard (17h00), bien que n'ayant pas pris le temps de manger, les contraintes de météo, plan de vol et formalités nous ont mis deux bonnes heures dans la vue. Le charmant petit bourg de St Anne, aux noms de rues français n'aura pas notre visite aujourd'hui. Une autre fois s'il fait meilleur : c'est à vous dégoûter de l'envie de revendiquer la propriété française des îles dites Anglo-Normandes, ces "petites parcelles de France tombées en morceaux dans la mer et ramassées par les Anglais".  (Victor-Hugo à ne pas confondre avec Victor-Bravo!).

Dépôt de plan de vol Alderney-Cherbourg en haut de la tour, puis trente minutes d'attente réglementaires et nous voilà repartis et posés à Cherbourg. Le retour sera sans histoires : la côte jusqu'à Deauville, transit avec sortie Tancarville, et un petit tour par Rouen rien que pour entretenir la radio de VB et ... celle des pilotes.: on fera l'enfilade NW, N, ROU , sortie de la zone de Rouen  puis Gisors et Pontoise. A l’aéroclub on nous attend avec patience : même avec un Log au cordeau prévoir 2 à 3 heures de battement pour ce genre de vol (pardon, maintenant on sait !). Nous rangeons VB, brave bête, à sa place au fond du hangar, ramassons nos "jouets" parmi lesquels un authentique casque qui a fait la bataille d'Angleterre (sic) et qui vient de rendre l'âme ... un 18 juin... entre la France et la terre Anglaise. C'est un signe : je n'aurai pas le coeur à le réparer ... mais je retournerai à Alderney ... avec un casque tout neuf !!!

            Ce fût fait, deux semaines plus tard, mais ...

                                    ...C'EST UNE AUTRE HISTOIRE.  
                                                                                                                        JPJ

P.J.

1) Un LOG de NAV qui ne constitue en aucun cas un modèle.
2) Deux pages d'"Antisèche" de la phraséologie anglaise applicable à cette traversée (1 pour l'aller/1 pour le retour)

[Ces documents « historiques » ont été malheureusement perdus]  

 

(*) Controverse sur le titre : "... vol trans-maritime le plus court du monde "

Arguant que la Manche ne soit géographiquement qu'une sorte de "lieu-dit" de l'Atlantique d'aucuns me soutiennent qu'on pourrait parler de "VOL TRANSATLANTIQUE...". On accepte toutes les opinions ; faites-les connaître, mais croyez-moi "Transatlantique" ou pas : c'est très accessible et ce sont 4 heures de vol qui vous ferons rêver encore pendant des années.  

Retour à la page d'accueil
Retour à la page précédente